Au programme de ce numéro :
Détendue de la gâchette
Émue par… Antony Williams
Détendue de la gâchette
Une scène de comédie burlesque s’est déroulée dans ma cuisine dimanche soir dernier. Je casse un œuf au dessus d’un plan de travail encombré. Il se brise et son contenu visqueux s’échappe selon des lois de la physique inconnues de moi jusqu’à ce jour, pour couler très exactement entre les vitres de la porte du four en contrebas. D’épaisses lignes jaunes tapissent l’intérieur de la porte puis le surplus goutte sur le carrelage sous mes yeux ahuris.
La probabilité était mince de réussir ce coup de manière préméditée. Sidérée, je m’incline une seconde devant le hasard, mon maître. Puis une sorte de désespoir s’impose, proportionnel à mon goût pour la propreté et la cuisine rapide.
Je voudrais être en colère, mettre un coup de pied dans la porte de rage puis aller chercher la notice du four. Mais non ! Je suis abattue et indignée par l’injustice qui vient de me frapper. C’est absurde et pourtant, c’est bien ça : je me sens victime. Je devrais être soutenue dans mes élans culinaires et non testée par l’adversité, car la cuisine est une conquête pour qui, il n’y a pas si longtemps, ne gardait que sa crème hydratante dans son frigo. Un dimanche soir en plus ! Même ironie qui veut qu’on claque préférablement sa porte d’entrée avec la clé dans la serrure les jours fériés.
J’appelle faiblement, pour être plainte, consolée et rassurée par quelqu’un qui me dirait que je ne mérite pas ça. Si je le fais d’une voix inaudible, c’est qu’au fond je ne veux pas de public pour ce spectacle de ma bonne volonté en cuisine à la fois blessée et punie.
Les chiens de la précipitation et du désordre sont alors lâchés. Ils dévastent la cuisine à chaque étape d’une recette pourtant simple. Un renfort arrive. Sa présence calme progressivement la meute. Nous démontons, sans indication car la notice du four n’en comprend pas (!#@), trois vitres vicieusement fixées par le génie du mal.
Cet épisode, couronné par un ménage nécessaire, se termine étonnamment sans bris de glace. Ma recette cuit et la vitre du four offre donc à nouveau une vue dégagée. Mieux que ça, me voici ragaillardie en cuisine, où le plomb se transforme en or cuivre avec le temps. Je sais maintenant que si j’y casse des œufs, c’est pour “faire justice” tantôt à ma créativité, tantôt à mon goût de satisfaire ceux que j’aime. Ça me détend de la gâchette, expression que je viens d’inventer1 pour dire que maintenant que je sais ce qui se déclenche chez moi quand ça se gâte en cuisine, je ne suis plus tout à fait ni victime ni bourreau !
Derrière cette anecdote se cache l’effort gratifiant de clarifier ses ressentis. Ils en disent long sur les coulisses de nos psychodrames du quotidien. L’anecdote relève ici des contrariétés on ne peut plus mineures de l’existence, mais on prend parfois aussi une émotion ou un enjeu pour un(e) autre sur des sujets plus sérieux. Apprendre à observer ce qui se passe en soi demande de l’entraînement, un partenaire parfois et une touche d’autodérision, souvent !
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Émue par Antony Williams
Le portrait qui ouvre cette édition de La Lettre est un clin d’œil à mon anecdote en cuisine. Elle est en effet réalisée a tempera : les pigments sont mélangés à du jaune d’œuf2 pour adhérer au support, puis dilués à l’eau pour faciliter l’application. La technique est exigeante et c’est la préférée d’Antony Williams, peintre anglais connu pour son portrait controversé, en raison de son réalisme, de la reine Elizabeth II.
L’artiste Margaret Robinson, sujet de cette œuvre, lui offrit d’abord un studio de peinture chez elle, par admiration pour son travail. Elle posa ensuite pour lui pendant les seize dernières années de sa vie.
Son portrait me touche car il est précis, doux et vivant. Il rend sa beauté à la vieillesse. Il saisit à la fois l’instant dans les yeux de Margaret et le temps passé dans les plis de son visage. Il nous la fait aimer, en nous rappelant quelqu’un.
Le site internet de l’artiste est ici si cela vous plaît aussi.
enfin je crois car “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.” a dit Lavoisier
ou d’autres matières comme la caséine, l’amidon, la colle, etc.